Pleurer d’amour, jamais de chagrin – L’autre (2)

Jeanne a rencontré Marc. Marc est en instance de séparation. Il est supposé l’être en tout cas. Sa future ancienne épouse et lui vivent toujours ensemble. Ils font chambre à part. Il ne se passe plus rien. Marc le dit. Jeanne le croit sur parole.

Qu’en sait-elle réellement ? Rien. Jeanne espère. Elle a décidé d’avoir la foi.
Une foi née ex-nihilo ?  Une foi qui ne repose sur rien ? Mais quelle conne, cette Jeanne de croire en la parole d’un homme !

Marc ment mais c’est Jeanne la coupable.

Jeanne la fautive. Fautive d’y croire. D’y croire encore.

Coupable de foi.

Coupable de naïveté.

Coupable de solitude.

Marc n’est « pas disponible ».

« Tu savais et tu as décidé de t’engager avec moi alors que je n’étais pas disponible »

Il s’est pourtant inscrit sur un réseau de rencontre. Il s’est pourtant octroyer le droit d’influer sur la vie d’une autre, pour son propre confort.

Marc transforme Jeanne en pansement, pour recouvrir la plaie béante, ouverte par sa relation qui ne fonctionne plus. Un pansement, une transition, une occupation, en attendant. Marc affirmera qu’il l’a prévenue. Il dira : « tu savais et tu as décidé de t’engager avec moi alors que je n’étais pas disponible ». Jeanne devra assumer seule le poids de la charge. Elle deviendra celle qui insiste, l’intruse, la folle. Marc sera simplement celui qui essaie de passer à autre chose. Marc au fond se fout du mal qu’il y a à désincarner sa nouvelle compagne, à la transformer en trait d’union. Il faut le comprendre : il souffre. C’est dur d’être seul et incompris. La plaie qui affectait Marc et sa plus ou moins future ex-compagne s’étendra, infectera puis gangrènera la vie de Jeanne. Marc réifie Jeanne. Il annihile Jeanne. Si Jeanne est « faible, fragile, sensible », elle déprimera. Elle aurait dû faire attention. Elle aurait dû se protéger. Elle aurait dû entendre l’indisponibilité de Marc. Elle aurait dû éviter le contact, la tentation, la tentative. Au-delà de son indisponibilité, Marc ne se rend sans doute pas compte de ce qu’il devient dans cette histoire, ce qu’il persistera ou non à être : un salaud.

« Marc transforme Jeanne en pansement, pour recouvrir la plaie béante, ouverte par sa relation qui ne fonctionne plus. Un pansement, une transition, une occupation, en attendant. »

Il était écrit que tu ne m’aimerais jamais. C’est la voie que tu as choisie, celle que tu as imposée. J’aurais beau être une fille bien, jolie, sympa, gentille, cela ne suffira pas.

Il ne s’agit de moi. Il s’agit d’elle. Et de toi. Il s’agit de vous, de votre histoire. Il s’agit d’amour. Même si c’est dégueulasse.

Alors, j’ai pleuré.

Je me fous de ce que cela dit de moi, de mon éducation et de mon enfance. Ce qui importe, est que cela ne suffit pas. Ce qui importe est que ce soit, que se sera toujours à perte du fait de la malhonnêteté de ta démarche, du fait de ta lâcheté, de ta fausseté. Mais, comme Jeanne, et les autres, c’est de ma faute. C’est moi la coupable. N’est-ce pas ?

Coupable de quoi ? Coupable d’y avoir cru ? J’aurais dû savoir ? J’aurais dû comprendre ?

Ce n’est que moi ? Et toi ?

Toi,  tu pourras poursuivre ton chemin de croix, faire d’autres victimes consentantes, te satisfaisant de ce qu’il n’y a là rien de grave, puisqu’elles auraient dû savoir, se méfier et comprendre ton indisponibilité. Je suis de la race des faibles, de celles et ceux que l’on abuse, tant pis pour moi. Tant pis pour mes comparses. Comme Jeanne et les autres, j’aurai dû savoir, j’aurai dû comprendre : c’est de ma faute.
La violence, expose Assita Kanko dans La deuxième moitié, brise des vies de femmes. Elle se décline en une infinité de facettes. Il y a des violations évidentes (…). « Mais il y a aussi tout ce qui semble anodin, tout ce qui blesse même si l’intention de nuire n’est pas forcément affichée. Tout ce qu’en tant que femmes on peut cumuler avec d’autres peines. Parce que nous sommes des filles et que la répartition du pouvoir est totalement déséquilibrée ».

« Il s’agit d’amour. Même si c’est dégueulasse ».

Je ne voulais que toi.
Tu ne veux qu’elle.
Et un champ à ensemencer d’elle.
Tu l’aimes.
Tu la détestes.
Tu détestes l’aimer.
Tu veux d’elle, tu as besoin d’elle.
Mais je ne serai jamais elle.
(Gnash, Olivia O’Brien, I love you, I hate you)

Je ne me rappelle pas tous les détails de notre première rencontre mais les résultats de cette étude, parue dans Le Monde Sciences, le 21 août 2017, me rassure : « C’est parce que les détails de nos souvenirs s’effacent que nous pouvons agir, nous adapter au quotidien, acquérir de nouvelles connaissances (…) Cet oubli « positif » rend notre mémoire performante, nous permet de forger des ­concepts et d’adapter nos comportements aux situations nouvelles. Bref, il nous rend plus intelligents ».

(…)

 

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