« C’était inévitable : l’odeur des amandes amères lui rappelait toujours le destin des amours contrariés ».
Florentino attendra cinquante ans la femme qu’il aime, le temps d’une vie, L’amour au temps du choléra. La romance imaginée par Gabriel Garcià Marquez est-elle rendue impossible par l’époque ?
Premier épisode d’une série estivale, empreinte de rencontres et de lectures, comme il se doit.
« Toutes les relations ne sont basées que sur l’intérêt.
La chose est plus ou moins claire entre les partenaires qui l’acceptent. Plus elle est claire, mieux évolue la relation ».
Christophe est pragmatique. La quarantaine accomplie, selon la définition qui convient à cet âge, il l’admet sans qu’il lui semble nécessaire de l’expliquer : l’amour est mort. C’est une chimère. C’est ainsi. Impossible de percevoir raisonnablement les choses autrement. Face à lui, sa compagne, Agnès, acquiesce. Elle sourit souvent, acquiesce encore puis s’écarte. Sans doute n’a t-elle rien à ajouter. Ils sont « ensemble » depuis une dizaine d’années.
L’époque n’est pas aux grands sentiments.
Christophe et sa compagne
Pas le temps. Pas l’intention. Passé l’idéalisme. Christophe poursuit donc, l’assurance vissée à l’œil droit, visible malgré ses lunettes de soleil. Il n’espérait ni ne quêtait aucun assentiment. Son propos lui semblent garanti par ces temps qui lui ressemblent, où la raison du fort, du plus grand, du plus riche, en argent surtout, est toujours la meilleure…
« Mieux ils sont conscients de ce que l’un apporte à l’autre, un certain équilibre, mieux la relation fonctionnera. Cet équilibre, nécessaire à construire le reste, la réussite, justifie leur vie en commun. C’est lui, cet équilibre, qui conduira une relation raisonnable. Lui encore qui promettra une séparation convenable. Lui toujours qui justifiera la fin de la relation si l’un n’est plus à même de l’apporter à l’autre. Tout cela peut sembler un brin cynique. Cela n’en reste pas moins la manière dont je perçois le couple, mes relations en général : sur l’intérêt réciproque. Et, jusqu’ici, cela fonctionne ».
La folie ? Le rêve ? « Mythologie, construction sociale ».
Les enfants ? L’espérance ? « Ils ne me semblent pas malheureux. Bien au contraire… ».
L’époque ? La faute aux GAFA ? « On aime bien dire que ce sont les autres, les auteurs de nos actes, les responsables de nos choix ». (Léonora Miano, Crépuscule du Tourment)
Es-tu heureux ? « La question n’est pas là… »
Ce qui vaut en l’amour
« En dépit des difficultés de mon histoire, en dépit des malaises, des doutes, des désespoirs, en dépit des envies d’en sortir, je n’arrête pas d’affirmer en moi-même l’amour comme une valeur. Tous les arguments que les systèmes les plus divers emploient pour démystifier, limiter, effacer, bref déprécier l’amour, je les écoute, mais je m’obstine : « Je sais bien, mais quand même… » Je renvoie les dévaluations de l’amour à une sorte de morale obscurantiste, à un réalisme-farce, contre lequel je dresse le réel de la valeur : j’oppose à tout « ce qui ne va pas » dans l’amour, l’affirmation de ce qui vaut en lui » ( Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux).
On s’allie plus que l’on ne s’accouple, pour construire donc, une carrière, son amas, une vie à deux. Plus de hasards: même les sites de rencontres se créent par affinités, économiques, politiques, culturelles. On n’échange ni ne se complète: on compose le meilleur des mélanges, pour survivre. Mieux qu’ailleurs, c’est dans le couple que le capitalisme a gagné.
(…)
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