Si cette question vous semble un peu con, c’est que vous êtes de celles et ceux qui avez accepté la vie telle qu’elle se présente aujourd’hui, avec tout ce qu’elle autorise d’ouvertures, de réflexions.
Sinon ? Eh bien, personne n’est parfait.e. Radoter étant mauvais signe, il est inutile d’écrire de nouveau ce qui a déjà été écrit ici, de reposer les mêmes questions, quoique…
Qu’est-ce que cela retire à celles et ceux qui ont fondé une famille dite traditionnelle de vivre à côté d’autres qui le sont moins, soit par la force des choses, soit parce qu’elles le souhaitent ?
Qu’est-ce qui pousse 26 000 personnes (fourchette basse) à sortir dans la rue pour exprimer leur rejet d’un mode familial alternatif certes mais ni contestataire ni tout à fait exceptionnel ?
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« Je mets un cœur pour la PMA pour tous. A chacun sa vie… » (Moreau9035).
« Les gens n’ont rien d’autre à faire que de se préoccuper des affaires des autres ? La famille, c’est celle que l’on choisie ! » (Instagram)
Qu’est-ce que cela retire à toutes celles et ceux qui ont choisi un mode familial plus conventionnel, que quelques femmes souhaitent enfanter seules, élever des enfants ensemble?
Les chiffres de la Procréation médicalement assistée (PMA) par les couples de femmes ou les femmes seules seraient minimisés. « 2 400 femmes sont parties en Belgique et en Espagne, les deux pays qui accueillent le plus de Françaises dans leurs cliniques et hôpitaux de procréation médicalement assistée » selon une enquête du journal La Croix parue le 17 janvier. «Des professionnels estiment que si la PMA était étendue, ils pourraient recevoir de 3 000 à 7 000 demandes supplémentaires chaque année. Cette évaluation laisse présager une demande bien supérieure à celle estimée par le gouvernement si la PMA est étendue : entre 2 000 et 3 000 femmes ». 2400 (Fourchette basse). 10 000 (fourchette haute). « En 2018, en France hors Mayotte, 14,1 millions d’enfants de moins de 18 ans vivent dans une famille. Sur 100 enfants mineurs, 68 vivent dans une famille « traditionnelle », avec leurs deux parents au domicile et leurs frères et sœurs s’ils en ont. 21 enfants vivent dans une famille monoparentale, et résident donc avec un seul de leurs parents, qui ne vit pas en couple, le plus souvent leur mère (18 enfants). Enfin, 11 enfants vivent dans une famille recomposée, dans laquelle, par définition, au moins un enfant n’est pas issu du couple ». La fin du monde n’aura pas lieu mais les questions posées tantôt tiennent plus que jamais lieu de question de fond.
Vous avez dit anecdotique ?
Le terme serait à propos s’il n’occultait pas la souffrance des dites 2400 personnes concernées/10 000 personnes putatives.
Projet de loi Bioéthique : état des lieux
Mardi 4 février 2020, en début d’après-midi, après les explications de vote des groupes politiques en présence, les sénateurs se prononceront sur le projet de loi relatif à la bioéthique. « La révision périodique de la loi bioéthique (…) permet de débattre à intervalles réguliers des enjeux éthiques liés aux avancées de la médecine et de la biologie » (Sénat). Lors du vote de la première loi Bioéthique en 2011, « le législateur a prévu que cette loi devait faire l’objet d’un examen d’ensemble par le parlement dans un délai maximal de sept ans après son entrée en vigueur… » (Espace presse – Sénat). Le site Vie publique rapporte pour sa part un délai d’étude ramené à cinq ans. « Tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de sociétés soulevés par les progrès de la connaissances dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d’un débat public sous forme d’états généraux… ». Le projet de loi du gouvernement comprend sept titres s’attachant tant à « élargir l’accès aux technologies disponibles sans s’affranchir de nos principes éthiques » (Titre 1er, celui qui recèle les questions de PMA pour toutes notamment) qu’à « Soutenir une recherche libre et responsable au service de la santé humaine » (Titre 4) ou à « Poursuivre l’amélioration de la qualité et de la sécurité des pratiques du domaine bioéthique » ( Titre 5). Ces titres un peu vagues se déclinent en trente-deux articles. Les quatre premiers – portant sur l’ouverture de la PMA à toutes les femmes et les droits des personnes conçues par ce moyen, l’égalité du mode de filiation – ont suscité plus d’un millier d’amendements déposés à l’Assemblée nationale (Article 1er – 468 ; Article 4 – 319 ; Article 3 – 294 ; article 2 – 143). Outre les articles 15, 16, 17, 19 et 20, le nombre d’amendements – projets de compléments, de modification d’un texte de loi déposés par les parlementaires ou le gouvernement – oscillent entre la dizaine et la vingtaine d’amendements. 328 amendements ont été déposés sur le texte au Sénat. Si un vote solennel se tiendra ce mardi 4 février, la navette parlementaire est loin d’être achevée: aucune procédure d’urgence n’ayant été déposée sur ce texte, il fera l’objet d’une seconde lecture à l’Assemblée nationale, d’une autre au Sénat, d’une éventuelle commission mixte paritaire si les deux chambres ne parviennent pas à trouver un accord. Quand le texte sera-t-il voté ?
Le dépôt au Parlement date du 24 juillet 2019.
Pour répondre à la question de fond : le combat…
Pourquoi une femme seule décide-t-elle d’enfanter ?
Il n’est peut-être pas con non plus de rappeler que les femmes voulant enfanter seules sont une infime minorité. Que cette minorité a rêvé la vie telle qu’elle devrait être, qu’elle a été réveillée par une réalité glacée : il est possible de ne pas trouver le meilleur partenaire avant d’avoir passé l’âge d’avoir des enfants. Comme l’indique d’ailleurs l’article de La Croix cité tantôt, les femmes seules concernées disposent « d’un travail stable ». Elles « bénéficient du soutien de leur famille. Elles n’ont pas loin de 40 ans et ont mûrement réfléchi leur projet », ce « plan b ». Idem, la population lesbienne qui s’engage dans cette voie est souvent loin des terrains militants : il s’agit tout simplement de « faire famille ». Il n’en faut pas plus pour transformer « l’anecdotique » en raison d’état, en amusement de la galerie, en manière d’opposer ce qui ne semble absolument pas nécessaire d’opposer : les familles. Rappelons les chiffres : 2700 femmes. 10 000 peut-être. Comme lors du vote du Mariage pour tous, des chiffres sont avancés, exposés, exploités. Ils sont, aujourd’hui passés du fantasme à une réalité beaucoup plus prosaïque. Ces chiffres, ces chiffrages, ces cotations ne disent pas les attentes, les espoirs, les souffrances, la peine de n’être pas parvenu.e à mener à bien ce projet d’une vie parfaite, la défaite de n’avoir pas fait comme tout le monde, d’avoir passé le cap et décider d’enfanter seule. Il ne le disent pas parce qu’ils s’en foutent les chiffres. Les chiffres ne disent pas qu’une femme qui veut enfanter seule, c’est d’abord femme prête à se battre.
« Enfiler les gants et se battre. »
Se battre contre la montre.
Contre son corps qui se refuse à faire les choses à temps, en temps pour que tout se passe au mieux.
Se battre pour avoir, alentour de soi, le soutien de la famille, des amis lorsqu’il n’est pas acquis.
Se battre contre les effets des hormones, la fatigue, ma nervosité, l’anxiété.
Se battre pour garder le moral et essayer encore, parce que cela ne marche que très rarement du premier coup.
Se battre, contre la société, celle que certain.e.s estiment juste, arguant d’une humanité qui leur interdit pourtant de comprendre ce fait simple, basique, pourtant si bien inscrit dans leur logiciel : qu’une femme puisse souhaiter, malgré les circonstances, porter un enfant, donner la vie, savourer cette beauté, goûter cette magie que leur condition leur autorise.
Se battre ensuite contre les préjugés: lors de l’inscription à la crèche, à l’école, au catéchisme si c’est prévu, au sport, etc.
SE battre.
Qui a envie de s’engager dans ce projet un peu fou sinon une femme dont l’envie de fonder une famille est suffisamment ancrée pour faire front ?
Pour répondre à la question de fond : la réalité…
Personne ne l’aurait demandé, Emma en a fait un thème d’actualité : une charge mentale accable les femmes qui supportent, aujourd’hui encore, l’essentiel des tâches ménagères. Même le temps est libre est une histoire de genre. « La répartition des tâches est plus « genrée » le week-end, lorsque l’exécution est plus visible socialement (…) Les comportements des hommes et des femmes pendant le week-end illustrent particulièrement ce phénomène, avec un surinvestissement dans les tâches socialement stéréotypées (bricolage et jardinage pour les hommes, gardes d’enfants pour les femmes) et sous investissement pour les hommes dans les travaux ménagers. (…) Les femmes s’occupent davantage des enfants. Ce résultat est conforme à la tendance croissante à consacrer plus de temps aux activités parentales au fil du temps, qui a été observée dans les pays développés. Cette réallocation du temps confirme l’évolution des normes parentales. Les enfants reçoivent plus d’attention et de temps de la part des parents parce que l’investissement parental est désormais considéré comme une nécessité… » (Ined, « Comment les hommes et les femmes se répartissent les travaux domestiques... », janvier 2020). Si même à deux, en couple hétérosexuel, les femmes supportent, assez largement, le soin, la garde, l’éducation des enfants, seules, pourquoi ne pourraient-elles pas porter seules le projet d’en avoir ?
Pour répondre à la question de fond : diversions
Pourquoi donner pareille importance à une question finalement mineure tant par le nombre de personnes concernées que par sa nature, tout à fait inapproprié d’un point de vue pratique, philosophique, juridique, scientifique ?
Pourquoi soulever une tempête dans un verre d’eau aujourd’hui ?
Pourquoi s’élever contre une situation habituellement imposée aux femmes ? Oh, mais, c’est peut-être cela l’écueil…
Qu’elles l’acceptent lorsque cela leur est imposé, d’accord. Qu’elle choisissent de s’octroyer et de profiter pleinement d’un pouvoir qui les a enfermées dans un rôle, obstruées dans leur liberté d’être, de penser, qu’elles puissent, même ponctuellement, même à la marge, profiter « du privilège exorbitant d’enfanter » (La plus belle histoire des femmes), alors là, pas question. « Cela coûtera des millions d’euros à l’Assurance Maladie déjà en déficit », c’est « vouloir des enfants sans pères », c’est le début de la fin de tout…
« … De penser, qu’elles puissent, même ponctuellement, même à la marge, profiter « du privilège exorbitant d’enfanter », alors là, pas question… »
Si ce n’est user, une fois encore, du corps des femmes pour distraire de problèmes plus importants, je ne vois pas le fondement de la polémique en cours. 2700 femmes. 10 000 putatives. 14,1 millions d’enfants dont 68% vivent dans une famille dite traditionnelle, plus de 67 millions d’habitants au dernier recensement…
Il s’agirait d’être sérieux, non ?
«Difficile d’envisager un travail sur les cellules embryonnaire sans eugénisme. A un moment, il faut savoir poser les limites… » indique cet enseignant de Sciences de la vie et de la Terre interrogé sur la différence entre cellules souches et cellules embryonnaires, sur l’impact concret des articles 15, 16, 17, 18, 19 et 20 du projet de loi Bioéthique, bien loin de ne se résumer qu’à la question de la procréation médicalement assisté pour les femmes seules et lesbiennes.
Revoir l’éducation ?
Repenser l’éthique ?
S’évader de carcans culturels imposés, éculés, pour repenser le monde ?
Le Sénat a terminé l’examen du projet de loi dans la soirée du mercredi 29 janvier. « Dix jours de débats d’une rare qualité, avec des avis parfois tranchés souvent opposés, parfois évolutifs, les sénateurs confiant par moment leur humilité face à la complexité des sujets… » (Public Sénat).
Lançons une bouteille à la mer…
Et si la réponse était de se poser les bonnes questions ? (Lettre d’information – Les Glorieuses – Mercredi 22 janvier). Et si plutôt que gesticuler sur les droits exceptionnels – moins par la qualité que par la quantité de personnes concernées – on s’interrogeait sur de vrais problèmes de société ?
Et si l’on cessait de se laisser distraire par ces quelques femmes qui ne veulent que donner la vie comme il leur est permis de le vouloir (Radotage à dessein) ?
Tandis qu’un million de personnes y aurait recours via Internet, les tests génétiques sont interdits en France au motif notamment « qu’ils sont parfois utilisés à des fins commerciales. Dans ce cadre, nous ne sommes pas certains qu’ils respectent la confidentialité des données, ni la vie privée des personnes testées et de leur entourage ». (Le Parisien). Doutes confirmés par cet autre article : les données personnels sont, en effet, la manne la plus recherchée, utilisée, manipulée par tellement d’autres entreprises que Cambridge analytica, l’arbre qui cache la forêt. Cette ancienne collaboratrice, elle-même partisane des tests génétiques pour des raisons de santé notamment, explique surtout qu’une «intelligence artificielle est capable de créer un forum d’une centaine de personne sur une fausse nouvelle effrayante. C’est une technologie très au point. D’où l’impérieuse urgence d’investir dans des technologies qui nous protègent de ces perversions. A l’heure qu’il est, on n’a pas encore de solution… » (Paris Match).
Oui, Mais…
PMA oui mais sans remboursement, sans double don de gamète (en cas de double infertilité), sans avancée sur la filiation « pour ne pas bousculer le droit », sans recherche d’anomalies chromosomiques dans le diagnostic préimplantatoire parce que n’est pas démiurge qui veut… Et puis, c’est vrai, ce ne sont que 2400 femmes, 10 000 putatives. Ce ne sont que des femmes qui ont choisies de construire leur route plutôt que de suivre celle toute tracée par d’autres et qui ne les mènent nulle part.
Ce ne sont que des femmes.
Oui mais, ce sont des femmes…
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