Quand je pense à ma grand-mère, la première chose que je vois c’est son attitude en cuisine, quand elle nous sert un repas. Mamie est une ancienne cuisinière. Quand j’étais petit, on disait qu’elle travaillait « aux messes ». J’ai compris bien plus tard qu’elle travaillait au camp militaire de la Jaille.
Elle m’a appris des expressions comme « A ti pilon makoto ».
Qu’est-ce que ça veut dire ? Va savoir !
Elle utilise cette expression pour décrire la lenteur ou la persévérance de quelqu’un qui marche ou fait les choses à son rythme.
Quand elle fait la cuisine, ses gestes sont brutaux. Elle peut tenir des faitouts brûlants à pleines mains, sans gants ni rien. Elle les tient mais manie la chaleur du bout des doigts.
Quand je pense à Mamie, je pense à son créole. Il est craquant comme tout ! Elle m’a appris des expressions comme « A ti pilon makoto ». Qu’est-ce que ça veut dire ? Va savoir ! Elle utilise cette expression pour décrire la lenteur ou la persévérance de quelqu’un qui marche ou fait les choses à son rythme.
Quand j’avais deux ans, cette femme m’a recueilli, pendant environ un an, le temps que mes parents rentrent de France.
Tellement de souvenirs…
Mamie a fait mon antillanité.
Elle, mon grand-père, mes grands-parents paternels et mes parents ont déversé beaucoup d’éléments dans ma fabrique identitaire
J’aime l’entendre me raconter la vie d’avant.
J’aime l’entendre dire des gros mots ou raconter des choses salaces. J’aime voir ma mère la regarder sévèrement alors qu’on est tous hilares et qu’on en veut d’autres. J’aime l’entendre parler de son enfance, des responsabilités qu’elle a eu trop tôt, de mon grand-père qui est venu sous la fenêtre de sa chambre lui chanter une sérénade. Tellement de souvenirs… Elle a fait mon antillanité. Elle, mon grand-père, mes grands-parents paternels et mes parents ont déversé beaucoup d’éléments dans ma fabrique identitaire.
Parler avec elle m’aide, me détend, m’enseigne
Je me rappelle d’un jour où j’avais un trou dans mon short en tissu. Elle s’est proposée de le recoudre. Elle m’a dit « Sé biten aw la ki ka fè sa » (C’est ton machin qui fait ça). Elle parlait de l’herbe que je fumais, des morceaux qui pouvaient tomber et brûler mes vêtements. Je garde le souvenir de son amour. Je faisais quelque chose qu’elle n’appréciait pas. En retour, elle me témoignait de l’amour.
Jusqu’à aujourd’hui, parler avec elle m’aide, me détend, m’enseigne.

J’ai toujours pu lui parler de façon authentique. Elle ne mâche pas ses mots. J’aime tellement ça. Je peux lui parler de choses très personnelles. On rigole parfois comme des enfants. Lors de mon dernier séjour au pays, je suis passé voir cette grande dame. Avec toutes ces histoires de COvid et de confinement, ça faisait lontemps. Prudents, on a respecté la distanciation. Elle aime lire son petit-fils. Ma poésie lui doit beaucoup donc je lui ai laissé son exemplaire de mon premier recueil.
A toi Sylvie, ma Mamie chérie.

Ma poésie lui doit beaucoup donc je lui ai laissé son exemplaire de mon premier recueil.