Patricia – Trouver les mots justes, l’estime de soi

Nous étions au cœur des vacances. Un groupe d’artistes est entré en résistance contre la politique culturelle jugée illisible en Guadeloupe, injuste. Chanteuses et chanteurs, artistes-peintre, autrices et auteurs sont venus apporter leur soutien au mouvement en proposant quotidiennement échanges, ateliers et rencontres populaires. C’est là que je l’ai rencontrée. C’est là que j’ai pu l’écouter expliciter son dernier ouvrage, L’estime de soi des Noirs paru chez L’Harmattan. Nous étions assis ensemble, femmes, hommes, enfants aussi, un peu, en demi-cercle. La parole circulait librement, à l’ombre des arbres touffus de la Place des martyrs de la Liberté, à Pointe-à-Pitre, jusqu’à ce que la pluie nous pousse plus loin, sous le porche de la mairie. Ce n’était pas un cours magistral. C’était un de ces moments simples de partage devenus trop rares mais qui existent encore, heureusement.

« Le manque d’estime de soi est certainement une des souffrances passées sous silence, la plus importante, chez les Guadeloupéens d’origine africaine. La fierté personnelle, la peur de paraître faible, le « raconter ses peines, c’est raconter ses mépris » font que peu de personnes osent en parler et consulter des thérapeutes sur cette question ».
(
L’estime de soi des Noirs ***)

Bonjour, Patricia. Si vous deviez vous présenter en trois mots, lesquels choisiriez-vous et pourquoi ?

Guadeloupéenne : la Guadeloupe coule dans mes veines. C’est ma terre, ma force, mon énergie.

Mère : C’est un rôle que je ne pensais jamais jouer un jour car je ne m’étais jamais imaginée en tant que mère. C’est le plus beau rôle de ma vie. Mes enfants, Rémi et Nina, sont comme j’aime dire « les joyaux de la couronne ». Je dois ce bonheur aussi à mon époux Dominique, qui est à mes côtés depuis 36 ans dont 30 de mariage. Nous formons une belle équipe, en toute discrétion.

Transmission : donner tout ce que j’ai reçu. Des ancêtres lointains, proches ou encore vivants. Pour moi, c’est un devoir de transmettre ce que tous ceux qui sont passés avant nous voulaient qu’on retienne d’eux.

L’estime de soi des Noirs n’est pas votre premier ouvrage, loin de là. Comment en êtes-vous arrivée à traiter ce sujet ? Pourquoi aujourd’hui ? Pourquoi maintenant ?

Je suis avant tout une spécialiste du management en contexte post-esclavagiste. Je travaille en accompagnement managérial avec beaucoup de manager afro et indodescendants. J’ai pu noter lors de mes séances de travail avec eux que beaucoup ne se sentaient pas légitimes dans leur poste de manager. Certains n’hésitent pas à me dire que s’ils avaient été blancs, les choses se passeraient mieux, qu’ils seraient plus écoutés, plus respectés et que leurs collaborateurs les écouteraient et les respecteraient plus. Ces managers sont souvent formés, diplômés, compétents et reconnus dans leurs fonctions. Néanmoins, il y a cette faiblesse dans la construction de l’estime de soi chez eux qui affaiblit leur position dans leur rôle de supérieurs hiérarchiques. J’ai pu noter que ce sont des personnes qui se voient à travers tous les stéréotypes négrophobes qui infusent la société post-esclavagiste guadeloupéenne.

Les proverbes du type « nèg pé pa dirijé nèg » (Les Noirs ne peuvent pas diriger les Noirs), « nèg pé pa travay èvè nèg » (Les Noirs ne peuvent pas travailler avec les Noirs) sont souvent évoqués pour justifier leurs difficultés. C’est ce qui m’a poussé à m’intéresser à la force des proverbes négrophobes sur l’estime de soi des personnes dites Noires.

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