Il ne devait s’agir que de quelques minutes, que de quelques questions sur ce grand raout qu’est #OctobreRose : ce mois rassemble-t-il toutes les femmes ? Autour de quelle.s idées, quelles énergies ? Sont-elles véritablement plus informées, mieux sensibilisées ? Quels rapports au corps révèlent cette période ? Cette dernière question aura finalement occupé l’essentiel de la conversation avec Yannick Norca, psychothérapeute, hypnothérapeute, proche des associations attachées au soutien des patientes, très sensible au sujet.
Sommes-nous prêtes à embrasser nos complexités ? Sommes-nous véritablement prêtes à prendre soin de nous-mêmes ? Pas à maquiller ni à optimiser pour correspondre à telle norme, non, à prendre soin véritablement de nos êtres ? Sommes-nous prêtes à disputer ce temps pour nous-mêmes ? Sommes-nous prêtes à abandonner les espaces prédéfinis pour repenser un espace de soin sain parce que commun, compris et partagé ?
« Débarrassée de ça… »
De l’éducation sexuelle à la palpation en passant par la prévention, la connaissance de son corps ce, dès le plus jeune âge, Yannick en est convaincue : les femmes ne prennent pas suffisamment soin d’elles. « Il me revient en mémoire l’histoire de cette amie de ma fille qui découvre, paniquée, ses premières règles, à 11-12 ans et qui se demande pourquoi elle saigne, ce qu’elle a fait de mal. Ses parents, ravis que je l’informe en la matière, m’ont demandé de faire de même avec leur garçon. Ou encore cette femme, ménopausée, qui s’écrit, enfin, c’est fini. Plus besoin de faire attention. Débarrassée de ça, dit-elle – elle parle de ses règles. Il lui semble inutile désormais de consulter un.e gynécologue, inutile de prendre soin de sa santé ». Et des exemples, elle en égrene encore, de la puberté à la ménopause et ensuite et ce temps que l’on ne prend pas parce qu’il est occupé à tellement d’autres choses. A quoi ? Pourquoi ?
« 1/3 des femmes qui viennent en consultation pour un cancer du sein viennent seules »
Pré-carré
« L’histoire » avance Yannick. Oui, mais pas seulement. Selon un rapport du Haut conseil à l’égalité datant de 2017, « les femmes représentent 64% des personnes qui reportent des soins ou y renoncent ». Une étude privée plus récente indique que 4/5 négligent leur santé, faisant passer celles des autres d’abord, celle des enfants notamment. « La maternité est le seul espace que l’on ne dispute pas à la femme. C’est son pré-carré ». Tout ce qui la rend plus complexe se cache, se maquille, s’arrache, se range. Quand à souffrir et s’assécher lorsque l’on n’a passé l’âge, « c’est normal. Normales, les sécheresses vaginales, les bouffées de chaleur, la perte du désir. Tout cela est normal tant que l’on est débarrassée des maux de ventre, m’indique une patiente ». Michelle rêvait , ici même « d’une énergie de guérison qui nous déleste des charges mentales héritées que nous portons, qui ne sont pas les nôtres, qui nous affectent, polluent nos agissements, nos comportements, notre rapport à nous et aux autres ». La souffrance est un état normal que l’on vit entre soi.

Solitudes
« 1/3 des femmes qui viennent en consultation pour un cancer du sein viennent seules. Il existe une grande solitude des femmes face à cette maladie. Pour se sortir du silence, elles se retrouvent au sein d’association, de groupes », entre pairs. La maladie fait peur. Aux hommes, aux compagnons. Aux femmes aussi « qui banalisent encore, ne se sentent pas concernées, sont dans le déni ».
Est-ce vraiment un crime de se soigner, de se préserver, de s’estimer, de s’aimer ?
Au-delà de la sensibilisation
Sommes-nous prêtes à embrasser nos complexités ? Sommes-nous véritablement prêtes à prendre soin de nous-mêmes ? Pas à maquiller ni à optimiser pour correspondre à telle norme, non, à prendre soin véritablement de nos êtres ? Sommes-nous prêtes à disputer ce temps pour nous-mêmes ? Sommes-nous prêtes à abandonner les espaces prédéfinis pour repenser un espace de soin sain parce que commun, compris et partagé ?
#OctobreRose est un grand moment de sensibilisation. Le cancer du sein est le plus féminin de tous. Il touche une femme sur huit. Il peut guérir, bien sûr, surtout s’il est détecter à temps, le plus tôt possible. #OctobreRose est surtout l’occasion de comprendre et d’accepter nos complexités, de valoriser nos solidarités, d’interpeller nos priorités, de s’interroger : est-ce un crime de se soigner, de se préserver, de s’estimer, de s’aimer ?