Anaïs – Vivre avec un SED

SED est un acronyme. Il signifie Syndrome d’Ehlers-Danlos. Ce groupe de maladies génétiques, rares donc peu connues, à 80% féminines, est caractérisé par une anomalie du tissu conjonctif (tissus de soutien) qui représente 80% du corps humain. Il affecte la production de collagène (protéine qui donne l’élasticité et la solidité aux tissus conjonctifs). Quatre formes de SED divisées en treize sous-groupes sont aujourd’hui répertoriés par le consortium scientifique. Le syndrome porte le nom de deux dermatologues, les premiers médecins à avoir décrit cette maladie au début du XXème siècle : Edward Lauritz Ehlers, Danois et Henri-Alexandre Danlos, Français. Anaïs – Ninis – est atteinte de syndromes d’Ehlers-Danlos. Quelle est la réalité de cette maladie ? Comment se vit, au quotidien, un handicap invisible ? Pour sensibiliser le plus grand nombre, elle a choisi de la dessiner et d’en rire.

« Être monté en kit »; «avoir sa jambe en mode vibreur »; «Ma jambe communique en morse »
Dystonie (Contractions, distorsions)
«Il y a un court circuit entre mon cerveau et mon corps »
Dysproprioception (perception erronée de son corps dans l’espace)
« Je suis craquante»; «Nos squelettes jouent à Tetris »
Craquements articulaires
«Aucune réclamation n’est possible auprès du SAV parental car on n’est plus sous garantie »

Maux/Mots de «Sédistes »

Si tu devais te décrire en trois mots, lesquels choisirais-tu ?

Qui peut mieux me décrire que mes filles ? Je leur ai donc demandé. Elles ont répondu : ambitieuse, maladroite et débrouillarde.

Peux-tu expliciter ce qu’est le SED, le syndrome d’Ehlers-Danlos ?

Il s’agit d’une maladie multi-systémique. Les “atteintes” varie d’une personne à l’autre. Certains auront très peu “d’atteintes” tandis que d’autres auront tout “le package SED”, de multiples manifestations : cutanées, hémorragiques, articulaire, proprioceptives, digestives, respiratoires, cardio-vasculaire, neurovégétatives, ORL, bucco-dentaires, ophtalmologique, vésico-sphinctériennes, gynécologiques et neuropsychologique. Il existe une multitude de symptômes. Les forme les plus communes sont le type Hypermobile et le type vasculaire.
La maladie est évolutive, ce qui signifie que, d’un jour à l’autre, l’état de la personne atteinte peut évoluer dans un sens ou l’autre.

Comment est-il diagnostiqué ?

L’errance médicale peut durer des années, avec des suspicions de maladies, des tonnes d’imageries, de prises de sang, de spécialistes, d’espoirs, de désespoirs, de maltraitances médicales et avoir de très lourdes conséquences aussi bien physiques que psychologiques, dans la vie professionnelle ou dans la vie personnelle. Quand l’errance est aussi longue, on ressent, au moment du diagnostic, comme un soulagement : «je ne suis pas folle. Il y avait bien quelque chose qui clochait»

Pour la plupart des SED, le diagnostic est posé suite à une recherche génétique en centre de référence des maladies rares. Mais, pour le type le plus commun (Hypermobile), le gène responsable n’a, à ce jour, pas été trouvé. Depuis 2017, le diagnostic se pose via le test de New-York qui rassemble plusieurs critères dont l’éviction d’autres pathologies, des caractéristiques physiques telles que l’hypermobilité articulaire.

Le SED ou les SED ? Que signifie l’acronyme HSD qui lui est souvent associé ?

Treize types de SED différents sont répertoriés. HSD signifie Hypermobility Spectrum Discorders (spectre des désordres de l’hypermobilité). Cette catégorie a été définie en 2017 afin de faciliter la recherche des causes génétiques du SEDH (hypermobilité). Certains patients diagnostiqués SEDH avant 2017 sont considérés HSD depuis, parce que les critères sont plus stricts bien qu’imparfaits. Une personne atteinte de HSD peut être plus impactée qu’une personne atteinte du SEDH. Le HSD n’est pas une forme bénigne, comme on peut souvent l’entendre. Les traitements sont les mêmes, adaptés selon les besoins (vêtements compressifs, TENS – appareillage pour neurostimulation électrique transcutanée (TENS) pour soulager la douleur -, orthèses – attelle -, matériel orthopédique…).

Pour affiner cette entrevue, nous devions nous entendre. « Ce sera en fonction de mon état du jour », as-tu répondu. Quel est le quotidien d’une personne atteinte de syndromes d’Ehlers-Danlos ?

Les SED sont « un colocataire instable et capricieux ».
Nous ne pouvons pas savoir dans quel état nous serons d’un jour à l’autre, voire d’une heure à l’autre, ce qui complique le quotidien, nous empêche de prévoir des sorties ou des invitations. L’asthénie (fatigue) est un symptôme majeur des SED. Il y a aussi les douleurs, les luxations, entorses et subluxations qui peuvent arriver à tout moment. Il est donc nécessaire d’apprendre à cohabiter avec les SED en espaçant ses activités, en fractionnant ses tâches, en s’accordant des temps de repos, même si cela n’est pas toujours possible à cause de nos obligations (travail, enfants, imprévus…).
Pour la plupart d’entre nous, la perte d’autonomie est énorme.
Mon périmètre de marche s’est ainsi réduit, mois après mois, jusqu’à ne plus pouvoir faire un pas sans douleur. Rester debout, immobile, plus de deux minutes est une torture. Comme rester trop longtemps assise.

Nous devons constamment nous adapter, trouver des astuces, des aides matérielles pour effectuer certains gestes ou activités. Parfois, il est tout simplement impossible de palier ce manque d’autonomie. Cela fera bientôt trois ans que je ne peux plus exercer mon métier d’animatrice en crèche que j’aimais tant. Je venais d’être diplômée Auxiliaire de puériculture lorsque j’ai été diagnostiquée. J’avais obtenu un diplôme d’accompagnant éducatif et social. Mon projet était d’ouvrir, avec une collègue, une structure pour les enfants en situation de handicap. Malgré les aménagements, mon état de santé était trop contraignant pour exercer un emploi correctement, pour être «fiable». Cela devenait ingérable entre les pertes de mémoire, les troubles de la concentration et la fatigue cognitive.
Certains continuent à travailler et gèrent plus ou moins tandis que d’autres se retrouvent en grande précarité alors qu’ils ne demandent qu’une chose : être en « santé » pour pouvoir s’y remettre.

Comment as-tu vécu la pandémie de Covid 19 ?

Je ne travaille plus depuis déjà plusieurs années et mes sorties sont très limitées du fait de mes difficultés à me déplacer. J’ai donc été moins exposée. Ayant un emphysème pulmonaire, je suis considérée à risque de formes graves. La crainte était là, bien présente. J’ai attrapé le COVID en décembre dernier. Heureusement, une forme très légère.

Les SED touchent un public à 80% féminin. Quels sont les symptômes spécifiques aux femmes ?

Les symptômes gynécologiques s’apparentent à ceux de l’endométriose. Les accouchements sont à risques hémorragiques, ils sont plus longs. Pendant ma grossesse, j’ai été très malade. Bon, j’attendais des jumelles en même temps… J’avais de grosses douleurs ligamentaires. J’ai fait une hémorragie post-accouchement avec transfusion sanguine. Les premiers symptômes de la maladie se sont déclarés après l’accouchement. Cela n’est pas encore scientifiquement prouvé mais il est possible que les hormones jouent un rôle dans le déclenchement des SED. Les premiers symptômes interviennent, en effet, au moment de la puberté, après un accouchement ou au moment de la ménopause.

Ninis et Sed - Errance médicale - Atteintes multi-systémiques - SED - Femmes - CAPITAINEs.
Ninis et SED – Page Facebook

Comment se sont engagées/s’engagent, ont évolué/évoluent tes relations amicales, amoureuses, familiales ?

On dit souvent que c’est dans l’épreuve que l’on voit qui sont les «vrais» amis, ceux qui seront toujours présents, qui prendront des nouvelles, qui t’apporteront écoute et réconfort… Eh bien, c’est tout a fait cela ! La maladie permet de faire un tri naturel. Je suis entourée par peu de personnes mais elles sont fiables. Et cela me va très bien.


Notre pathologie est complexe, difficile à comprendre parce qu’elle est invisible et imprévisible. Les personnes ne saisissent pas toujours pourquoi un jour tu pourras marcher et le lendemain tu seras en fauteuil ou au fond de ton lit. Ce peut d’ailleurs être difficile à vivre pour nous aussi car nous avons la sensation de passer pour des «usurpateurs». Nous pouvons ressentir de l’isolement du fait de la perte d’autonomie, face à l’incompréhension des autres. En tant qu’adultes, on peut gérer les regards, les paroles mais pour les enfants et adolescents atteints, cela peut être très difficile. Cela m’attriste beaucoup pour eux.

L’important pour vivre sereinement, c’est de s’entourer de personnes qui comprennent ou au moins qui essaient de comprendre notre fonctionnement. C’est clairement ce que je fais.

Je perçois un énorme décalage entre les personnes en «santé» et moi.
Nous n’avons plus les mêmes conversations, les mêmes priorités, les mêmes projets. Les invitations ou les rendez-vous sont une source de stress qui requiert une organisation de plusieurs jours en amont, comme un sportif qui se prépare à une épreuve et plusieurs jours de repos par la suite, chose dont une personne lambda n’aura pas besoin. Cela peut paraître dingue aux yeux des autres.
L’important pour vivre sereinement, c’est de s’entourer de personnes qui comprennent ou du moins qui essaient de comprendre notre fonctionnement. C’est clairement ce que je fais.
Suite au diagnostic, j’ai eu un contre-coup terrible durant lequel je me suis sentie seule et inutile. Et puis, j’ai intégré une association, SED in France, qui m’a été d’un grand secours. J’y ai appris énormément sur la maladie ce qui m’a permis de mieux l’accepter. Les échanges avec les adhérents m’ont beaucoup aidée. J’ai crée des liens forts avec deux d’entre elles, « mes sœurettes de cœur ». On s’apporte beaucoup de soutien. On rit pas mal aussi, ce qui nous permet de nous changer les idées. J’ai enfin crée ma page, afin d’apporter du soutien, de l’information et un peu de sourires avec mes dessins.

Coté familiale, bah, c’est un chamboulement. Pour tout le monde.
Les enfants en prennent un sacré coup mais il grandissent aussi en apprenant la tolérance, la différence et apprennent plus vite à se débrouiller seuls. Je suis fière de mes filles. Elles ont beaucoup d’empathie et sont les premières à aider un camarade en difficulté, sans jugement. Elles sont toutes deux d’une grande maturité pour des demoiselles de onze ans. En tant que parent, en tant que maman, on culpabilise de ne pas pouvoir faire telle ou telle chose avec son enfant parce que c’est trop compliqué physiquement.
Il faut alors se rassurer : nous leur apportons quand même. Mes filles me disent souvent que je suis une super maman, une super-héroïne, qui doit supporter beaucoup de choses pas faciles. Elles disent aussi que je suis un dragon quand je leur crie dessus lorsque je suis trop fatiguée.

Mes filles disent souvent que je suis une super Maman, une super héroïne qui doit supporter beaucoup de choses pas faciles. Elles disent aussi quelquefois je suis un dragon…

Les conjoints et conjointes se sentent parfois impuissants face à nos douleurs. Nous ne sommes pas toujours faciles à vivre. En tout cas, pas moi. Avec les douleurs et les troubles du sommeil, les nerfs sont mis à rude épreuve. Forcément, cela se répercute sur nos proches…

Il existe de nombreuses formations, actions de sensibilisation à l’attention des soignants. Où en est la recherche, aujourd’hui ?

Effectivement, le GERSED (Groupe d’Étude et de Recherche du Syndrome d’Ehlers Danlos), un groupe de professionnels de santé, produit un énorme travail de recherche et d’information et proposent des formations en ligne pour les soignants afin de permettre une meilleure prise en charge thérapeutique. Ils ne sont, malheureusement, pas considérés comme un centre de référence, ce qui signifie que leurs diagnostics sont souvent remis en question par la Sécurité sociale. Ils utilisent pourtant le test de New-York, comme tous les centres de référence de maladies rares. C’est absurde.
Pour obtenir un rendez-vous en centre de compétence ou de référence, il faut généralement attendre plusieurs années : ils sont surchargés. Conséquence : les prises en charge sont plus tardives et les conséquences physiques et psychologiques de plus en plus lourdes.

A propos de la Sécurité sociale, comment sont prises en charge les SED,  tant au niveau administratif que médical, scolaire ou professionnel ?

Les démarches administratives sont un combat.
La plupart d’entre nous avons essuyer plusieurs refus d’ALD (Affection longue durée). Les traitements non médicamenteux coûtent très chers. Nous avons besoin de matériels orthopédiques, de vêtements compressifs du fait de la dysproprioception, d’orthèses pour nos articulations. Tout cela représente des sommes conséquentes.


Nous sommes suivis par plusieurs spécialistes (urologue, cardiologue, pneumologue, algologue, orthopédiste…). Il nous faut donc en trouver qui connaissent les SED et/ou qui y sont sensibilisés. Combien de fois avons-nous entendu : «c’est dans la tête», «Ah, la nouvelle maladie à la mode !», «C’est une maladie de peau !»… Nous avons, pour la plupart, vécu de longues années d’errance médicale et avons perdu confiance dans le système de santé. Certains ont même développé une phobie  !

Coté scolaire, des aides peuvent être mises en place via le PAI (projet d’accueil individualisé) ou le PAP (plan d’accompagnement personnalisé) si l’équipe éducative est à l’écoute. Ce n’est pas toujours le cas parce que les SED sont « invisibles ». Les enfants n’ont pas toujours «l’air malades». Coté professionnel, pour disposer d’aménagements, il est important de bénéficier de la RQTH (Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) remise par la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées). Le dossier à monter n’est pas une mince affaire. Les refus sont fréquents tout comme les différences de traitement en fonction des départements. Une injustice, parfois décourageante.

Combien de fois avons-nous entendu : «c’est dans la tête», «Ah la nouvelle maladie à la mode !», «C’est une maladie de peau !»…

Quelles pistes proposerais-tu à celles et ceux qui peinent à s’y retrouver, pour trouver les meilleurs interlocuteurs ?

Se rapprocher d’une association de patients.
Cela permettra un échange et un accompagnement. Pour mon dossier MDPH par exemple, j’ai été aidé par l’assistant sociale de l’association SED’in France. C’est en partie grâce à lui que j’ai pu obtenir ma carte de stationnement, ma carte de priorité et la Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH).

Tu as choisi la bande dessinée et l’humour pour parler de ton handicap. Tu partages aussi le travail d’autres artistes. Jusqu’où t’emmènera cette fibre artistique ?

J’ai toujours aimé dessiner. Du coup, je me suis dit qu’en illustrant la maladie, en y ajoutant un peu d’humour, cela pourrait m’aider à relativiser le quotidien, assez lourd, mais aussi à passer des messages en douceur et sensibiliser sur notre quotidien.
Le visuel attire l’attention. Il marque. Au vu des bons retours, cela fonctionne plutôt bien. J’ai désormais pour projet d’auto-éditer un recueil, avec tous mes dessins. J’y travaille en ce moment.

Quelle est ta vision de l’inclusion ? Comment inclure les personnes en situation de handicap dans la société ?

L’inclusion doit commencer dès le plus jeune age, en sensibilisant nos enfants aux handicaps et aux différences, en ouvrant les portes des structures de la petite enfance, des Maternelles aux enfants en situation de handicap, en y mettant les moyens humains. J’ai travaillé plusieurs années en crèche où j’étais référente de deux enfants extraordinaires. Ils ont apporté énormément aux professionnels mais aussi aux enfants présents en crèche, aux parents. L’inclusion est un avantage pour tous.

Que te souhaites-tu pour l’avenir ? Pour les tiens ? Pour le monde ?

Je souhaite pouvoir continuer à dessiner, à sensibiliser, voir aboutir mon projet de recueil, gagner un peu en autonomie afin de profiter le plus possible de mes filles. Pour le monde, je souhaiterais que le regard sur le handicap change, que l’on sensibilise les tous petits à la différence. Je souhaite enfin une meilleur prise en charge des personnes en errance médicale, plus de bienveillance.

Pour aller plus loin

Ninis et sed
Facebook et Instagram

Association Sedinfrance
« Créée le 4 avril 2018, l’association SED’in France travaille à la sensibilisation et la reconnaissance des Syndromes d’Ehlers-Danlos (SED) et des troubles du spectre de l’hypermobilité (HSD), ainsi qu’au soutien des patients atteints de ces pathologies »

Ma vie de Zèbre
« Sensibiliser à ce qu’est la vie avec des maladies rares et invisibles »

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