L’amour au temps des GAFA – 7/10

« Parfois, on aime et on apprend. Cela nous aide à grandir… » (Petites confidences à ma psy)

Existe-t-il une différence entre l’amour au temps du choléra et l’amour au temps des GAFA ? Aime-t-on mieux ? Aime-t-on moins ? Aime-t-on mal ? Aime-t-on réellement ou, l’utilité à l’œuvre, coursée par la nécessité de convenir, ne remplit-on que les cases d’une vie telle que l’on nous l’a vendue ?

« Il existe désormais des applications pour tout… »

Charline rencontre au moins un homme par semaine via l’une des applications dédiées au besoin. Il existe désormais des applications pour tout. Celles-ci rencontrent bien évidemment un succès fulgurant du fait de l’importance du grand marché de la solitude. Presque pas une amie qui n’en détaille les bienfaits à court, moyen ou long termes. Et puis, il y a les articles, les métiers, les films et le vocabulaire en -ing- qui se développent alentour….

Charline et Tinder

Charline s’offre donc une option par semaine, manière d’assurer de la présence sur le court et le moyen terme, le temps que long terme ne s’affirme, qu’une des options gagnent suffisamment en valeur pour s’installer dans la durée en lui assurant une retraite tranquille. Hier, elle a rencontré Grégory, «  qui a l’air gentil ». Plus tôt dans la semaine, ce fut Henri… ou Michel ?
Quelle importance. Tout cela tourne, s’amoncelle, s’accumule, d’autant que Charline y croit : à force de chercher, elle finira par trouver. Elle finira par tomber sur celui qu’il lui faut.
Pour faire une omelette, il faut casser des œufs. Pour faire une rencontre, la vraie rencontre, il faut les multiplier.

Aime-t-on moins ? Aime-t-on mieux ?

« Comme le pourquoi est difficile à expliquer, on se [réfugie] dans le Comment » (Toni Morrison, L’oeil le plus bleu). Comment aime-t-elle, Charline ? « L’égocentrisme exacerbé va de pair avec la recherche du bonheur hédonique c’est-à-dire le bonheur fondé sur des plaisirs fluctuants et la diminution du sentiment de bien-être. En revanche, l’affaiblissement de l’égocentrisme se traduit par la recherche du bonheur eudémonique c’est-à-dire fondé sur une manière d’être, un sentiment d’accomplissement et de plénitude et par un bien-être plus stable, plus profond, fondé sur l’aventure à l’autre ». (Matthieu Ricard, Plaidoyer pour l’altruisme)

Charline et la solitude

Charline n’aime pas être seule. Surtout avec elle-même. Cela l’angoisse. Profondément. Il n’y a qu’à lui poser la question de ce qu’elle souhaite vraiment : elle ne sait pas, ce que n’est pas grave en soi. Mais elle, Charline, cela l’inquiète. Vraiment.

S’aime -t-elle ? S’aime-t-elle au moins ? S’aime-t-elle au mieux ?

Lorsque la question lui est posée, Charline l’élude. Comment peut-elle aimer, aimer bien, aimer au moins, aimer au mieux, si elle ne s’interroge pas sur ce qu’elle est pour elle-même ? Comment peut-elle aimer mieux si elle accumule, Charline, plutôt que de comprendre l’essentiel, le sien ?

Charline aime-t-elle ? Aime-t-elle au mieux ? Aime-t-elle au moins ?
Au fond, est-ce la question ? Sont-ce les bonnes questions ?

« Il existe des applications pour tout. Sauf pour se trouver. »

Charline accumule les expériences plutôt que d’attendre comme Romain. Attendre, c’est perdre le temps qu’elle a de moins en moins. Comme Christophe, elle ne fréquente ces hommes que par intérêt : celui de n’être plus seule. Ou pas tout à fait. On ne peut que la comprendre, Charline : c’est tellement dur, tellement compliqué, tellement. Pour tromper l’ennui, les ennuis, notamment ceux liés à la solitude, il vaut mieux cumuler, accumuler, comme Michel. D’autant qu’il existe des applications pour ça. Il existe des applications pour tout. Sauf pour se trouver. Sauf pour s’aimer, s’aimer au moins, s’aimer au mieux. Tant que l’amour prévaudra…

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